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Re: [Fsfe-france] Droit d'auteur et logiciel libre : SCO


From: Antoine
Subject: Re: [Fsfe-france] Droit d'auteur et logiciel libre : SCO
Date: Thu, 07 Aug 2003 00:26:49 +0200

Bonjour,

Tout d'abord, vous spammez une liste de discussion en cachant
l'adresse de destination, ce qui laisse à penser que vous expédiez
ce message à une multitude de listes et de personnes sans leur 
dévoiler qu'il s'agit d'un envoi de masse. Ce procédé n'est pas
très élogieux.

Votre texte aligne les contre-vérités ainsi que les manipulations
argumentaires.

Votre stratégie principale consiste à confondre opposants aux
brevets logiciels et « militants du logiciel libre » ; il est 
pourtant significatif qu'une part importante des politiciens
français et des députés européens sont opposés à ces brevets
(sont-ils « militants du logiciel libre » ?). Vous attribuez
de plus à ces « militants » des propos qui ne sont pas les leurs :
à savoir la présentation du droit d'auteur comme « la solution
idéale ». Il convient de rappeler que le copyleft a été créé par
Richard Stallman _contre_ le droit d'auteur et le copyright.
Les logiciels libres sont au service de la liberté, les licences
telles que la GPL ne sont qu'un mécanisme permettant de protéger
cette liberté dans (et malgré) un système juridique particulier. 

Vous savez évidemment que le droit d'auteur et le copyright ne
posent aucun problème majeur de confusion juridique. Ces systèmes
de protection portant sur l'implémentation et non sur l'idée,
il est statistiquement impossible lorsque l'on crée une oeuvre
originale d'enfreindre le copyright d'une autre oeuvre. La
manoeuvre de SCO fait grand bruit en tant que symbole de la
lutte idéologico-économique entre logiciel libre et logiciel
propriétaire ; les médias ont raison d'y voir un tournant
en ce que cette lutte se fait désormais au grand jour et
implique directement des acteurs de premier plan. L'intérêt
juridique de l'affaire est cependant faible dans la mesure
où tous les analystes s'accordent à dire que SCO n'a aucune
chance de succès sur ce plan (ce pourquoi SCO répugne à
dévoiler même ses griefs précis et change régulièrement
de discours à ce sujet) ; le vrai champ de bataille est
étranger au droit.

Vous savez aussi que les brevets, eux, portent sur les procédés,
ce qui dans le domaine intellectuel se traduit in fine par les
algorithmes et les idées. Les idées et les algorithmes étant,
au contraire des oeuvres, en nombre très limité dans un contexte
donné, la possibilité de les protéger par un régime de monopole
d'exploitation constituerait une entrave à l'innovation et au
jeu de la concurrence (ainsi qu'à l'interopérabilité lorsqu'il
s'agit de procédés caractéristiques d'un format de stockage
ou de transmission de données).

Vous louez la transparence du système des brevets, qui
permettrait « à quiconque d'apprécier la portée et la validité »
des brevets. Je fus amusé de lire l'analyse de l'affaire
du brevet British Telecom (soi-disant) sur le lien hypertexte
par un grand spécialiste de la propriété intellectuelle.
A propos de ce mécanisme simple à concevoir et littéralement
enfantin à comprendre, l'expert ne semble pas, au bout de
quelques paragraphes de réflexions, avoir beaucoup avancé dans
son opinion sur l'hypothétique « validité » du brevet. En fait,
le spécialiste probablement aguerri - il milite depuis des
années pour la brevetabilité du logiciel - avoue qu'il lui
faudrait pouvoir « [re]lire à tête reposée » le texte du
brevet afin de se faire une idée plus précise de la validité
des allégations. On y voit qu'un brevet, concernant même un
mécanisme tout simple, use de tels détours de formulation 
et d'un jargon tellement peu commun (y compris chez l'homme
de l'art) qu'il provoque probablement beaucoup plus de travail
pour les juristes qu'il n'en fallut à l'« inventeur » pour
introniser l'idée nouvelle ; on imagine avec délices le
nombre de relectures à « tête reposée » nécessaires à
l'évaluation de la possibilité de violer un brevet concernant,
au hasard, un procédé de compression audiovisuelle. Or cette
évaluation est superflue dans le cas du droit d'auteur puisqu'il
est à peu près impossible de plagier ou contrefaire une oeuvre
sans le vouloir. L'on voit donc que le grief d'insécurité et
de confusion juridique, que vous imputez au droit d'auteur,
s'applique en réalité aux seuls brevets, dont vous faites la
promotion.

(vous pourrez trouver ici l'« analyse » sus-mentionnée :
http://www.breese.fr/guide/htm/Logiciel/bt.htm)

Certes, cette discussion est toute théorique car comme souligné
par un autre intervenant, si vous étiez si soucieux des effets
pervers du droit d'auteur, vous lutteriez pour en limiter les
effets plutôt que d'introduire un deuxième système de protection
qui s'y ajoutera sans le supplanter - ne protégeant pas les mêmes
choses.


Note : je découvre au hasard de votre site Web que vous pratiquez 
l'argument ad hominem. Ainsi « les militants du logiciel libre sont 
farouchement opposés au système des brevets, alors même que le 
président de l'association française Freepatent descend d'Ernest
SOLVAY dont la fortune provient des brevets qu'il a déposés et
exploités. » (http://www.breese.fr/guide/htm/Logiciel/econom.htm)
Il est vrai qu'à l'aune de ce « raisonnement » votre position
est limpide puisqu'étant conseil en propriété intellectuelle, vous
avez intérêt à favoriser l'introduction de procédures contraignantes
qui donneront lieu à l'augmentation de votre activité professionnelle.

Cordialement

Antoine Pitrou.



Le mer 06/08/2003 à 19:33, BREESE MAJEROWICZ : Pierre Breese a écrit : 
> La protection des logiciels par le droit d'auteur est souvent présentée par
> les militants du logiciel libre comme la solution idéale.
> 
> On peut en douter, car le droit d'auteur :
> 
> - a une durée de vie de 50 ans dans la plupart des pays (soit une durée très
> supérieure à la durée de vie des brevets)
> - ne donne lieu à aucune publication, et peut donc exister sans que personne
> ne puisse connaître l'existence de ce droit, ni sa portée, ni même son
> titulaire.
> 
> L'action engagée par SCO sur la base de droits d'auteurs datant de 1969 à
> l'encontre d'IBM (qui distribue des logiciels libres) et d'éditeurs de LINUX
> illustre l'incertitude que fait peser une protection par le droit d'auteur
> en matière de logiciel. (cf. le site www.sco.com qui expose la tactique
> (indélicate mais juridiquement fondée) de cette société).
> 
> Elle démontre que le recours au droit d'auteur n'est pas une solution
> satisfaisante, mais présente au contraire des risques juridiques qui
> n'existent pas avec les brevets. La protection par le brevet présente le
> mérite de la transparence (les brevets sont publiés, et permettent à
> quiconque d'apprécier la portée et la validité).
> 
> C'est la raison pour laquelle l'adoption en septembre 2003 de la directive
> sur la "brevetabilité des inventions mise en ¦uvre par un ordinateur", ou
> son abandon - confortant alors la doctrine  mesurée et raisonnable
> développée par l'office européen des brevets - aura l'avantage de fixer un
> cadre juridique convenable pour l'industrie du logiciel.
> 
> 
> Pierre BREESE






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