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Re: [Fsfe-france] Quand la technique se substitue à la loi (take 2)


From: Nicolas VERITE
Subject: Re: [Fsfe-france] Quand la technique se substitue à la loi (take 2)
Date: 04 Dec 2002 14:58:52 +0100

Un doube-page dans Libé de ce jour :
"CD, DVD: menaces sur la copie privée"
http://www.liberation.fr/page.php?Article=71735
(lire également les liens "à lire aussi" en haut à droite)

Ca parle surtout de la loi Lang de 1985,
sur le droit à la copie privée.

Nÿco

Le mer 04/12/2002 à 02:41, Loic Dachary a écrit :
> 
>       Dernière version pour ce soir, j'intégrerais les commentaires
> des insomniaques demain. Merci de votre l'aide. Dodo maintenant.
> 
> --
> Quand la technique se substitue à la loi
> 
> Le DMCA (Digital Millenium Copyright Act) défraie la chronique aux
> états unis depuis deux ans: il interdit des programmes lisant les DVD,
> condamnant l'auteur d'un logiciel qui permet de lire un livre
> électronique, fait fermer un serveur de jeux sur internet et musèle
> les experts en sécurité informatique. Quels délits avaient été commis
> pour encourir de telles sanction ? Aucun et c'est bien la racine du
> problème. Il n'a même pas été prouvé qu'elles avaient l'intention de
> nuire. La version française du DMCA arrive[1], discrètement discuté
> depuis un an par le CSPLA[2] (Conseil Supérieur de la Propriété
> Littéraire et Artistique) dont le BSA (Business Software Alliance)
> fait partie. Loin d'être plus modéré que le DMCA, le projet de loi qui
> sera discuté à huis clos jeudi 5 décembre 2002 propose même
> d'autoriser des associations telles que le BSA à se substituer
> purement et simplement aux auteurs, leur permettant donc de faire
> condamner des personnes n'ayant commis aucun délit selon la loi que
> nous connaissons.
> 
> Le DMCA, comme la directive européenne (2001/29/CE ou EUCD) dont est
> issue le projet de loi[1], a pour intention déclarée de réprimer la
> contrefaçon. Afin d'y parvenir le législateur commet l'impardonnable
> erreur, tant du point de vue du droit que d'un point de vue humaniste,
> de remplacer la loi par la technique.
> 
> Actuellement, copier un logiciel alors que l'auteur l'interdit est un
> délit aux yeux de la loi qui définit ainsi exhaustivement les droits
> auquel l'auteur peut prétendre. Si le projet de loi est approuvé,
> n'importe quel procédé baptisé "contrôle d'utilisation" (article 14)
> décidera de ce que vous avez le droit de faire ou non, à la discrétion
> de l'auteur. La toute puissance légale de ce procédé (il peut s'agir
> d'un appareil aussi bien que d'un logiciel) est stupéfiante: peut être
> condamnée toute personne qui en parle ou qui le contourne, sans même
> qu'il soit nécessaire de démontrer que cette personne ait eu
> l'intention de commettre un délit.
> 
> Les exemples que nous a fourni le DMCA par le passé sont éclairants et
> montrent jusqu'à quels extrêmes la substitution de la loi par la
> technique nous mènera en France. Il ne s'agit pas de spéculation mais
> d'observation des faits. Un serveur de jeux vidéo sur internet,
> entièrement issu des efforts originaux d'une équipe de développeurs,
> s'est vu interdire par la justice américaine. En effet, le serveur ne
> contenait pas les mêmes procédés de "contrôle d'utilisation" que son
> concurrent, tout en étant compatible avec lui. Cette absence de procédé a
> été sanctionnée et qualifiée de contournement d'un procédé existant, en
> raison de la compatibilité des deux serveurs. Ce cas peut se décliner
> sur l'intégralité des services en ligne, annulant de fait toutes les
> dispositions légales relatives à l'interopérabilité entre programmes.
> 
> Le cas le plus célèbre qui a fait connaître le DMCA du public est
> l'interdiction du programme DECSS. Ce minuscule programme permet de
> lire le contenu d'un DVD. Supposons l'oeuvre inscrite sur le DVD
> acquise légalement. La personne en possession de la copie dispose
> ainsi du droit de la visionner chez elle, il lui manque juste le
> logiciel pour le faire. Développeuse talentueuse, elle écrit le
> programme nécessaire, regarde le film et contrevient ainsi à la
> loi. Ce développeur existe, il s'appelle Jon Johansen et il a été
> condamné. Ce cas peut se décliner sur tous les moyens possibles
> permettant de faire obstacle à la jouissance paisible d'une oeuvre
> acquise licitement. La simple existence d'un "contrôle d'utilisation"
> fait de nous des présumés coupables.
> 
> L'absurdité touche à son comble lorsqu'on réalise qu'il devient
> illégal de parler en public de failles de sécurité dans les systèmes
> informatiques. A l'heure où le monde plie sous le fléau des virus et
> où les experts reconnaissent unanimement que la transparence est une
> condition sine qua non pour sécuriser les systèmes, parler en public
> d'un problème de sécurité devient un délit.  Alan Cox qui vit en
> Angleterre et dont le nom est familier à tous les développeurs de
> Linux, se verrait ainsi interdire de signaler un problème de sécurité
> ou même de le corriger car une telle correction donnerait une
> information sur le problème et serait donc un délit.
> 
> On constate donc qu'un procédé intitulé arbitrairement de "contrôle
> d'utilisation" permet à la personne qui le diffuse d'exercer un
> pouvoir sans précédent, qui déborde de beaucoup la repression de la
> contrefaçon. Comment les rédacteurs du projet de loi ont-ils
> s'aveugler à ce point ? Aucun d'entre eux ne suggérerait pourtant de
> résoudre le problème de la délinquance et de l'insécurité en
> emprisonnant toute la population. C'est pourtant ce qu'ils proposent
> de faire, à l'échelle des droits d'auteur. Il ne se trouvera personne
> pour nier que leurs efforts seront couronnés de succès : la
> contrefaçon disparaîtra en effet. Il reste cependant deux questions
> d'importance : que devient l'intérêt général sur lequel insiste la
> directive (considérant 3, 14) et qui détient les clés de la geôle ?
> 
> Nous croyons parfois que les lois sont immuables et justes, conçues et
> écrites par des êtres probes aux motifs nobles. Mais il faut se rendre
> à l'évidence, ce projet de loi nous rappelle durement à la réalité qui
> fait parfois modifier les lois pour le profit de quelques uns. La
> directive européenne peut être accusée de développer un biais en
> faveur des éditeurs et des majors mais elle s'abrite habilement
> derrière des statistiques douteuses de contrefaçon et progresse sans
> qu'une opposition efficace ne se forme. La maladresse stratégique des
> rédacteurs du projet de loi français leur a fait quitter cette
> relative réserve et dévoiler leurs véritables ambitions.
> 
> L'article 27 du projet de loi autorise les organismes de défense
> professionnels à se substituer aux auteurs (ce que l'on appelle la
> présomption de titularité).  Par exemple le BSA serait habilité à agir
> au nom d'un auteur de logiciel, comme s'il en était lui même l'auteur,
> sans même qu'il lui soit nécessaire de le consulter. Le BSA pourrait
> aussi perquisitionner dans les entreprises. Voici donc révélés les
> vrais bénéficiaires: le doute qui planait a été levé par l'ajout
> inopportun de ces articles qui ne correspondent à rien dans la
> directive européenne. Les rédacteurs du projet de loi ont péché par
> excès de confiance, dévoilés leurs intentions et motivé ainsi une
> résistance d'un tout autre ordre.
> 
> Le tableau n'est pas si sombre qu'il y paraît car il n'est pas trop
> tard. Sans déroger à la directive, qui doit être transcrite en droit
> national dans chaque pays d'Europe d'ici le 22 décembre 2002, il est
> possible d'en corriger les effets de la plus simple façon.  En
> conditionnant toutes les mesures prises à la nécessité d'apporter la
> preuve d'une intention de nuire, on réintroduit l'intérêt général au
> sein du projet de loi.  Tout un chacun est invité, et en particulier
> les juristes, à se faire l'écho de cette requête.  Qu'il nous soit
> possible, maintenant et toujours, de lire notre livre électronique
> avec n'importe quel logiciel, de colmater les problèmes de sécurité si
> nous en sommes capables, de concevoir des programmes coopérant
> ensemble. Que la loi nous punisse lorsque la preuve de notre délit est
> apportée et non lorsqu'un procédé technique en décide. Le CSPLA
> délibère le 5 décembre 2002, si de nombreuses voix s'élèvent ils
> pourront se rappeler enfin de l'intérêt général.
> 
> [1] http://www.planetelibre.org/main.php?type=news
> 
> [2] http://www.culture.fr/culture/cspla/conseil.htm
> 
> -- 
> Loic   Dachary         http://www.dachary.org/  address@hidden
> 12 bd  Magenta         http://www.senga.org/      address@hidden
> 75010    Paris         T: 33 1 42 45 07 97          address@hidden
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